Qui suis-je, en un texte.

22 mars 2015

Dissimulées effluves les

Elle a le sourire fragile. Il vacille comme ses battements de cils. Elle ne sait pas trop si elle fait bien d'être là. Peut-être qu'elle veut s'enfuir loin. Elle le fera sûrement après ces quelques heures. Je la vois qui lutte pour me regarder droit dans les yeux. On dirait qu'elle n'arrive pas à savoir quel œil fixer. Il va du gauche au droit. J'ai du mal à croire qu'elle ait eu le courage de venir cette nuit.

Quand mon portable a sonné et que l'écran s'est allumé tout à l'heure, j'ai relu deux fois le nom avant de décrocher. Sa voix était hésitante, un peu lente et grave. J'ai tout de suite su que je partirais de cette soirée pour la retrouver même s'il y avait des amis que je n'avais pas vu depuis longtemps. Elle que je ne voyais jamais et que je ne devais jamais voir. Elle qui était venue et que je ne reverrais plus. J'ai salué, récupéré ma veste et marché dans l'air frais de l'hiver passé. Fumer m'a aidé à ralentir mon cœur stressé. J'ai juste eu le temps de changer de vêtements et de ranger brièvement l'appartement. J'aurais voulu que tout soit parfait pour l'accueillir mais comme elle venait par surprise je n'ai pas pu faire la moitié de ce que je souhaitais. Elle a sonné à l'interphone. Il a grésillé et je n'ai rien entendu parce qu'elle déteste dire son nom dehors, dans la rue. Mes mains ont eu un léger tremblement quand je lui ai ouvert. Elle a passé le pas de la porte doucement, observant les murs comme si elle avait peur de se cogner dans l'obscurité. 

Et maintenant, on se fait face dans mon salon tamisé. Elle scrute les livres de ma bibliothèque quand j'arrive avec deux verres et la bouteille de vin qu'elle a apporté. Je veux la rejoindre et l'envelopper de mes bras. Elle se retourne et me sourit timidement. Elle se dirige vers mon canapé. C'est tellement bizarre de la voir assise, là, dans mon décor quotidien. Je l'écoute parler. Je l'entends prononcer des mots qui semblent m'effleurer le cœur et le réveiller. J'allume une cigarette mais ça ne m'aide pas. Elle boit une gorgée et repose le verre sur la table basse. A une heure du matin, je l'entends chanter des mots qui font vibrer mon corps tout entier. Sa voix tremble un peu, ce qui n'enlève rien à son charme. Au contraire, je pense qu'elle a peur que je ne trouve pas cela joli. Mais ça l'est tellement. Elle ferme les yeux et les ouvre rarement. Son premier regard, je l'ai attrapé et ça m'a fait mal quand il m'a quitté. Il m'en faut un autre sinon je ne vais plus pouvoir respirer. Au deuxième, ma gorge se noue. En attendant le troisième, je me lève. Je viens me poser juste à ses côtés. Elle plante ses yeux avec la ferme intention de me jauger. Nous les fermons en même temps pour nous nous embrasser. Elle passe ses bras autour de moi. Je sens son parfum. Il me prend en otage et m'envahit pour les années à venir. 

Nous sommes restés des heures enlacés, savourant le goût de l'autre. Je savais qu'elle allait me manquer. Je n'imaginais pas à quel point. Dix minutes après son départ, mon téléphone s'est allumé. Depuis le balcon où je fumais seul, j'avais l'impression que si je retournais à l'intérieur, elle serait encore là. Sur l'écran était écrit "Sous l'oreiller." Je me suis dirigé vers la chambre. Un petit flacon de son parfum était caché, sous l'oreiller inoccupé.