Qui suis-je, en un texte.

13 mai 2014

Dissimulée envie notre à.



Il y a un monde fou dehors, on dirait que les gens forment une file d'attente. En me rapprochant, je constate que la majorité fume. Les autres parlent ou regardent la vitrine. J'arrive 45 minutes après le lancement. Mes talons s'accrochent à certains confettis dorés. Je m'arrête à mon tour devant les immenses vitres atypiques en prenant soin d'éviter les coups de coudes dangereux des personnes qui prennent des photos. Je présente mon invitation à l'entrée et suis impressionnée par la décoration. Il y a encore plus de monde à l'intérieur. J'ai soif mais je ne me risquerais pas à prendre un verre rempli à ras bord au risque de le renverser par terre ou pire, sur quelqu'un. Si je veux éviter qu'on me remarque, il vaudrait mieux que je me fonde dans la masse. Même si ça parait évident au vu du nombre important de personnes qui ont fait le déplacement, ce n'est pas si facile pour moi. Ces réunions ne sont pas ma tasse de thé. En règle générale, j'évite la foule. Malheureusement ce n'est pas un jour où je peux y échapper. D'ailleurs, c'est moi qui ais choisi de venir, alors il va falloir faire avec. Je me fraie un passage et découvre l'exposition, plutôt étonnante. Bien vite je me lasse de ces images en grandeur nature et fait semblant de m'intéresser à ce que je vois. Quelques instants plus tard, un homme vient m'aborder. Il a la quarantaine et une petite barbe qui grisonne. J'apprécie le point d'honneur qu'il met à me regarder droit dans les yeux tout en engageant la conversion mais c'est un peu difficile de parler à quelqu'un que l'on ne connait pas dans un environnement peuplé de discussions plus ou moins bruyantes. Je dois dire qu'il est assez séduisant et si avenant que je me laisse entrainer dans une succession de questions réponses. Je commence à me dire que je pourrais accepter d'aller boire un verre plus tard avec lui quand une vision me déconcentre. Mon cœur saute un battement quand je l'aperçois. Sur ma droite, au milieu de la pièce bondée, dans un costume gris avec de légères coutures qui forment des carreaux sur le tissu. Il porte un T-shirt, en dessous de sa veste détachée, ainsi qu'un foulard très fin qu'il a négligemment enroulé autour du cou. Il observe ce qu'il se passe dans la salle. D'un regard circulaire il parcourt les invités. Il s'attarde sur une femme en face de lui puis détaille un couple plus loin. Il continue et je sais qu'il va me voir d'un moment à l'autre. L'homme avec qui je parle depuis 10 minutes m'énumère les responsabilités de son travail. Je fais de mon mieux pour avoir l'air naturelle mais je ne le suis plus. Je me recoiffe nerveusement d'un geste de la main et ajuste ma robe. Je jette un coup d'oeil dans l'autre direction. Son regard se pose sur moi mais il ne vacille pas. Je tente de garder mon sang froid mais déjà, ses yeux balaient le reste de la pièce. Je suis déçue, mais je m'en doutais. Je met alors un terme à la discussion en lui promettant un verre dans le bar d'en face dans une heure. Il me laisse en souriant et je me dis que je n'ai pas perdu mon après-midi. Mais tout de suite mes pensées se tournent vers cet autre homme, celui qui m'a envoyé le carton d'invitation. Celui que j'ai vu quelques minutes auparavant et qui est introuvable. J'ai beau le chercher pendant plusieurs minutes mais je ne le vois plus. Il a disparu, comme englouti dans cette masse. Je me poste contre le mur car je ne peux plus avancer. Je tente de me persuader que je ne suis pas si transparente que ça quand une voix que je reconnais me salue. Il est sur ma gauche et me regarde avec des yeux pétillants. Je lui réponds en sentant une onde de chaleur m'envahir. Il est plus grand que moi, même quand je porte mes plus hautes chaussures. Il me dit qu'il ne s'attendait pas à ce que je sois ici. Qu'il est surpris mais heureux de me voir. J'essaie de penser à tout sauf au fait que mes joues s'accordent avec mon rouge à lèvre. L'avoir en face de moi me donne l'envie de le serrer dans mes bras. C'est tellement fort que je lutte pour ne pas céder. Il me dit qu'il m'a vu en bonne compagnie tout à l'heure. Je sais que c'est sa manière à lui de me faire comprendre qu'il est jaloux. Je lui réponds que j'ai rendez-vous avec lui après. Il ne dit rien. Il profite d'un mouvement de foule pour se rapprocher de moi. Il baisse la tête et me regarde intensément. Soudain, il m'attire contre lui. Nous sommes tellement serrés les uns les autres que cette étreinte reste discrète. J'entends sa respiration près de mon oreille. Il respire mon parfum et moi le sien. Dans un murmure, il me souffle que je suis magnifique et termine sa phrase par un surnom tendre. C'est un peu comme s'il m'aimait, là, caché au milieu d'inconnus. Nos corps reculent et nos regards brulent en se croisant. Il veut m'embrasser, je le ressens, et moi aussi. Mais ce serait terrible pour nous. Le charme s'envolerait. Alors, il glisse sa main dans la mienne. A moins que ce ne soit l'inverse. Je lui rappelle qu'on m'attend. Il serre un peu plus ma main et m'entraine vers la sortie. L'homme séduisant est dehors. Nos mains se disent au revoir. Ses longs doigts se mélent aux miens. Ils dansent lentement, caressant chaque phalanges. C'est presque un baiser. Il serre plus fort ma main avant de la libérer. Je sors rejoindre mon rendez-vous, sous son regard embrasé.