Qui suis-je, en un texte.

2 novembre 2012

Sourires aux diner le.


J'ai rendez-vous dans une heure et demie. L'adresse est griffonnée sur un  morceau de papier qui a déjà eu le temps de se salir dans mon sac. Perdu entre mon chéquier et des clefs, je le sors et le dépose sur le bar. Je ne connais pas l'endroit. Je suis dans cette ville depuis des mois, je n'ai pas pris le temps de la visiter. Je dois me dépêcher, je sens que je vais mettre du temps à être satisfaite de l'image que le miroir me renvoie. J'ouvre mon armoire et sors ce que j'avais imaginé porter. Je perds de précieuses minutes à repasser mon haut, un peu froissé. L'image de mon physique dans la glace ne me plait pas alors je relève les yeux et me focalise sur mon visage. Pas la peine de se faire du mal au moral aujourd'hui. Je me maquille avec moins de précision que chaque matin. Ma main a perdu de son habilité parce que mon cerveau pense trop à la raison de ces gestes. J'essaie de rester concentrée mais c'est difficile. J'arrive cependant à dessiner mes éternels traits noirs sur les yeux avec une similarité trompeuse. Je regarde mon portable, c'est le moment de partir. Mes talons qui attendent devant la porte d'entrée m'apportent les quelques centimètres nécessaires à cette occasion. Je pars au parking souterrain en cherchant activement ma carte. Mes chaussures font ce crissement désagréable sur le sol peint. Quand j'épouse la sortie vertigineuse que je déteste tant, je suis ravie de voir que la circulation sera fluide. Peu de voitures, peu de feux rouges. Je me gare devant le restaurant. Il semble animé et cette perspective me rassure. Je n'aime pas quand ils sont vides, chacun peut entendre facilement la conversion des uns et des autres. J'entre et annonce son nom de réservation. On me conduit à la table où il m'attend depuis certainement peu de temps. Son verre de vin est bien remplit. Il me salue avec une douceur infinie. On pourrait tomber amoureux d'un instant à l'autre, avec cet échange. M'installer en face de lui m'intimide. Heureusement nos voisins de tables sont nombreux et ce bruit m'aide à me détendre. Mon verre entre vite en contact avec ma paume. Ce geste anodin donne une fonction à l'une de mes mains. L'autre essaie d'être posée naturellement sur la nappe. On s'observe tout en prenant l'apéritif. La discussion ne manque pas et les questions réponses que j'abhorre, d'ordinaire, ne me dérangent pas. Il a le don de les poser quand il faut et pas plus d'une seule. Ce soir, je n'ai pas le droit à un interrogatoire et ça me plait. Notre première rencontre était chargée d'électricité. Cette fois, un sentiment de chaleur m'envahit. Celle qui est douce et non fugace. Celle qui dure parce que l'ambiance est naturelle. J'ai oublié d'emporter mon masque de pierre. Je ris et je souris pendant le repas. Ça fait tellement de bien que j'aimerai que ce souvenir reste le plus longtemps possible en mémoire. Son sourire et son rire vont bien ensemble. Je m'imagine même un instant que j'aimerai en être le plus proche témoin au quotidien. Nous enfilons nos manteaux de saison et sortons. Une fois dehors, je me dirige vers ma voiture. Il s'approche si près que je sens son parfum. Il me serre contre lui comme si j'étais fragile et j'aime ça. Sa délicatesse me fait me sentir dans une sorte de brouillard en noir et blanc. Je suis dans une bulle qui n'existe que lorsqu'on s'enlace. Mes mains, si froides, rejoignent les siennes. Il ne s'étonne même pas de leur température. Son regard me fait me sentir belle. Dire au revoir à quelqu'un n'avait pas été aussi déchirant depuis des mois.