Qui suis-je, en un texte.

25 juillet 2012

Infranchissables pas les.


     J'avais rendez-vous avec le destin, le 16 du mois dernier, mais je ne le savais pas encore. Après être sortie de l'endroit où j'avais passé quelques jours, pour me changer les idées, j'avais souhaité faire un détour par la rue adjacente à celle que j'empruntais d'habitude. Je ne sais pas ce qui m'a poussé à le faire, j'ai ressenti le besoin de tourner à gauche un peu avant le passage piéton, plutôt que de continuer tout droit. Il y avait un peu de vent. Je n'arrêtais pas de retenir ma mèche avec ma main et de la repousser derrière mon oreille mais elle était trop courte pour tenir alors, elle glissait inévitablement contre mon visage. Je devais avoir une mine fatiguée et au final, quand je m'aperçus dans une vitrine, je trouvais que c'était gentil de la part de l'air de jouer avec mes cheveux. Je remontais maintenant une nouvelle rue, connue que de nom. Quand on y pense, je passais tous les jours de l'autre côté. Si peu de pas me séparaient de ce qui allait être un réveil d'anciens sentiments. J'étais fascinée par la beauté des arbres qui vacillaient entre l'éclosion, pas si lointaine, et la décomposition prochaine des fleurs blanches et roses. Certaines feuilles poussaient entre elles. C'était le signal pour leur faire comprendre que c'en était bientôt fini pour elles. Qu'il n'y avait rien à faire, qu'elles étaient condamnées à n'embellir les arbres que pour quelques jours. C'est tellement triste au fond, que certaines beautés soient éphémères. C'est en me demandant ce que devenaient ces pétales qui finissaient par s'envoler ou par tomber, que je vis quelqu'un que je connaissais. D'apparence, je savais à quoi il ressemblait. Cette fois-ci, j'avais l'impression que c'était la première fois que je le voyais. En réalité, j'aurai pu le reconnaître de dos. Ce n'est pas une personne qu'on perd dans la foule. Je me suis subitement arrêtée entre deux étalages d'un épicier. Perdue dans mes pensées, je me prenais un festival de souvenirs tous plus doux les uns que les autres mais la fin, plutôt floue, freina les fantômes du passé. Il était à quelques mètres. De ridicules centimètres qui marquaient la frontière entre le fantastique et le réel. Oui, j'avais rêvé tant de fois de le voir comme je le voyais maintenant. De mes propres yeux de femme, belle, et possédant une assurance qui ne le ferait pas s'en aller vers une autre, aux traits toujours plus fins et plus réguliers que les miens. Il se retourna de moitié. Je me perdis dans ses yeux d'autrefois. Ceux qui donnaient l'impression que le temps n'existait plus, ou que nous errions dans une autre dimension. Mais nous étions dans le présent. Je sentais une chaleur fiévreuse envahir tout mon corps. Le vent continuait de battre sur ma peau ainsi que dans mes cheveux, qui me donnaient l'allure d'une fille qu'on trouve par hasard dans la rue. Il paru troublé. Je l'étais tout autant. La surprise m'avait presque tétanisé. C'est l'épicier qui sortait sur son trottoir qui me fit me pousser tout en ne le lâchant pas des yeux. J'avais le sentiment que son regard resterait à jamais sur moi. Je fus enfin assez forte pour me détourner de sa vision, qui m'avait chamboulée. Je pris la décision de partir en direction de mon chemin d'origine. Il prit celle de ne pas me suivre.
     Je repensais aux fleurs. Certaines beautés sont éphémères sans qu'on ne puisse rien y faire.