Qui suis-je, en un texte.

8 juin 2016

Salé vent au.

La voiture nous emmène loin de toute l'agitation de la semaine. La ville s'éloigne dans le rétroviseur. La lumière des feux tricolores fait place à celle de l'autoroute. Ces néons blanchâtres qui tentent de rivaliser avec la Lune nous éclairent à un rythme régulier. Ils m'aident à observer en douce le visage du conducteur. Sa conduite fluide me procure un sentiment de sérénité. Je suis à moitié endormie. Il sourit en me voyant lutter contre le sommeil. Il me dit que je peux dormir, qu'il me réveillera quand nous serons arrivés. Mes paupières enferment cette dernière image avant que je ne sombre. 

*

La chaleur de sa main sur ma cuisse me réveille. J'émerge difficilement avec une douleur dans la nuque. Sa main droite vient trouver mon cou pour masser délicieusement l'endroit où j'ai mal. La gauche tient le volant et ses yeux fixent l'horizon. Une pointe de chaleur dans le ventre. Stop. Je retire sa main et lui dit de se concentrer sur la route. Il rigole en silence. Je ne l'ai jamais entendu rire à gorge déployée. Il masque encore trop ses émotions quand nous sommes tous les deux. 

Après deux arrêts sur la route, la côte se dessine enfin. Il est encore tôt, le jour se lève à peine. Nous arrivons à l'hôtel où nous passerons ces deux jours de week-end. Je jette ma valise dans la chambre. Il range la sienne dans un coin. Je suis bien trop pressée de sortir pour me soucier de mon attitude d'enfant face à lui, toujours bien ordonné. Je l'attrape par la main pour qu'il daigne enfin se diriger vers la porte. Il me suit, amusé. J'ai bien l'intention d'en profiter. J'ai bien mérité de me ressourcer 48h avant de penser au boulot. Alors, je cours presque pour la voir. La mer. Je m'arrête et savoure le paysage désert. Les gens dorment encore, bien au chaud.

J'enlève mes chaussures et je réveille les grains de sable, encore frais de la nuit. Tant pis s'ils me détestent de troubler leur tranquillité. J'oublie tout autour de moi et ne vois que les vagues qui dorment encore, elles aussi. Elles ondulent doucement, tout comme mes cheveux. Je ferme les yeux quelques secondes pour mieux savourer la fraîcheur matinale du bord de mer. Ce sentiment de liberté, j'aimerai le vivre chaque matin en me réveillant. N'avoir pour rendez-vous que le ciel et la mer, avant qu'ils n'appartiennent à tout le monde. Je me retourne et lui fais de grands signes. Viens, vite. Je veux que tu le ressentes en même temps que moi. 

Il sourit en me voyant m'agiter, seule, au milieu de cette plage immense. Il arrive avec ses chaussures à la main, le col de sa chemise déboutonné. Je ne veux pas attendre, il met trop de temps. Je me relève et m'élance pour l'enlacer. A cause de mon empressement, je nous fais tituber puis tomber. On dirait deux gosses. Surtout moi. J'ai les cheveux pleins de sable. J'ensevelis mes pieds, puis mes mains comme lorsque j'étais petite. Il se redresse et se penche sur moi en me traitant de gamine. Sale gamine, je vais t'embrasser.

*

Je me réveille, seule dans le lit. La baie vitrée est à demi ouverte. Ça suffit à faire entrer l'air du littoral dans la chambre. Il m'attend sur le balcon pour prendre le petit déjeuner. En passant devant la glace, je me fais l'effet d'un épouvantail. Je me glisse sur ma chaise et cache comme je peux mon visage avec mes cheveux. La brise en décide autrement. J'ai toujours l'impression d'être à sa merci, sans maquillage. Je ne suis pas à l'aise et évite de le regarder. Il rentre subitement à l'intérieur. Il revient avec un pull trop grand que j'avais pris dans ma valise. Je pense que je peux difficilement faire pire en matière de féminité. Il le pose sur la table. Je le passe et finis de déjeuner. Des baskets, et nous filons sur la plage. Il veut revivre le spectacle matinal d'hier. Il s'assieds derrière moi et m'attire dans ses bras. J'ai l'impression que le temps s'étire. Que les clapotis se répètent inlassablement, que le vent joue avec nos cheveux, que ses baisers sur mon cou ne s'arrêteront jamais. Que je saurai lui dire je t'aime.